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Porter l’eau
2025
Bois de chataîgnier, fil, contenants en verre, eau. Réalisé avec l’aide précieuse de Manuel Wallentin, compagnon Menuisier.
Huit jougs suspendus dans l’espace, portant de chaque côté des grappes de
contenants e, verre transparent, remplis d’eau. Explorant une forme née de son
usage : façonné pour le corps, l’objet s’affine au fil du temps, jusqu’à
devenir un simple manche de trois centimètres de diamètre. C’est la naissance
d’un objet-outil — le joug — adapté au tour de cou et aux épaules du porteur,
permettant de répartir la charge de l’eau transportée.
Les souvenirs de ces gestes et de ces pratiques ne tiennent
aujourd’hui qu’à un fil. Une dernière génération en France se souvient encore
du portage de l’eau ; qu’en sera-t-il des suivantes ? Serons-nous amenés à
réhabiliter ou à réinventer ces systèmes de portage et de conservation, à
mesure que la précarité de l’eau douce s’accentue et que la crise écologique se
fait plus pressante ? L’installation interroge des objets et des gestes situés
à la frontière de l’oubli, en proposant une mise en perspective contemporaine
des enjeux liés à cette ressource limitée.
Objet emblématique du portage de l’eau, le joug — ou jouquet
— se décline selon son usage : porte-seaux ou canole lorsqu’il se
porte en travers des épaules, palanche lorsqu’il se porte d’avant en
arrière. Ces objets témoignent d’un artisanat précis et de techniques de taille
à la main : on utilisait généralement le frêne, un bois long et résistant,
également réservé aux jougs de bœufs et aux manches d’outils, ou tout autre
bois disponible localement.
Pour ce projet, les jougs ont été taillés en châtaignier, un
bois léger et courant dans le Tarn ou les pièces ont été taillée. Comme
autrefois dégrossies à la scie, creusées à la gouge et au maillet, puis
façonnées au couteau à tirer. Les traces des outils, qui disparaissaient
progressivement à l’usage, traduisent ici une mémoire du geste et de la
matière.
Les aspects ergonomiques sont au cœur de la réflexion : dans
le joug, le corps se devine en creux, suggéré par l’échelle, les cavités, les
volumes et les vides qui façonnent l’outil. Ce jeu de correspondances entre
corps et objet révèle l’absence des porteurs et porteuses d’eau aujourd’hui —
ces silhouettes autrefois essentielles, portant de lourdes charges dans un
métier humble et nécessaire.