Tout à l’horizontale
2023
fonte de verre.
Entre fiction et réalité, la pièce mêle librement
mythes kirghizes, personnages historiques, inventions et histoires
personnelles.
Tout à l’horizontale est un objet vecteur de
récit, sa forme est inspirée des sceaux-cylindres du Proche-Orient ancien,
destiné à être roulé sur l’argile fraîche ou toute matière molle à mémoire de
forme.
Le sceau-cylindre est un outil d’impression
cylindrique en pierre, sa surface est minutieusement gravée pour laisser
apparaître un motif, mettant en scène de multiples figures du monde réel ou
imaginaire. Pendant plus de 3 000 ans, ces sceaux servaient à garantir
l’intégrité d’un contenu ou à authentifier un document administratif par
scellé. Ils nous livrent aujourd’hui de précieux détails sur les
conditions d’existence spirituelles et matérielles de ces peuples.
Ici, le verre transparent poli vient remplacer la
pierre rendant possible la lecture de l’iconographie en intaille. À mesure
que la main fait tourner la roue, les figures s’animent.
Il y a, Manas, le mythique héros kirghize
sur son cheval, personnage principal de la plus longue épopée du
monde. Transmis oralement par les manaschis, le poème propose un
récit se transformant d’un interprète à l’autre. Ancrée dans la culture nationale,
une statue à l’effigie de son principal protagoniste est venue remplacer celle
de Lénine pour célébrer les 20 ans de l’indépendance du Kirghizistan sur la
place Ala-too à Bichkek.
Dans la frise de Tout à l’horizontale, les
figures animales et humaines, dans des gestualités empathiques et affectives se
portent, se soutiennent, s’agrippent l’une à l’autre, chutent ensemble et
s’envolent à nouveau.
Une scène du récit présente le cheval portant la femme
souffrante, avachie sur son dos, s’agrippant à son cou. À la façon
d’une pièta, l’homme à tête de cheval rattrape la femme tombée de sa
monture. Vulnérable et blessée, il la porte sur son dos. Cette figure
fait référence à ma tentative d’évacuation à cheval suite à une chute en
montagne en juin 2022 au Kirghizistan.
L’homme reprend sa figure humaine pour le passage
héroïque et dangereux d’un barrage hydraulique au fond d’une vallée kirghize,
un souvenir du même voyage.
Les rôles s’inversent : l’homme porte le
cheval. Cette image est née des fabulations de nos amis auditeurs des
récits de voyages, pris de confusion avec le grand Kojomkul. Héros
Kirghize né en 1888, dans un village aujourd'hui nommé Kojomkul, son exploit le
plus célèbre est d'avoir porté sur ses épaules son cheval sur une distance de
cent mètres.
En fin de frise, la chute : une longue
étreinte. Cette image fait référence aux amants de Sarajevo, Admira
et Bosko, couple abattu par un tireur isolé alors qu’ils traversaient,
rassurés par la promesse qui leur avaient été fait de faire taire les
armes, le pont Vrbanja afin de quitter ensemble la ville assiégée.
Bosko arrêté par une balle en plein cœur, a été
rejoint par Admira, touchée, qui a rampé jusqu’à lui. Le couple enlacé,
aux corps confondus, est resté une semaine sur place.
Mais le lieu du rêve existe, Manas s’envole sur sa
monture. La fiction persiste et résiste.